COMMUNIQUÉ DE PRESSE Liège, le 1er mars 2006
Grippe aviaire Faut-il vraiment craindre
les oiseaux sauvages ?
L'apparition récente de cas de grippe aviaire en Europe
et la
mise en place des mesures de confinement et de surveillance
des
oiseaux d'élevage qui y ont été associées
relance les craintes du
public et des autorités vis-à vis des oiseaux
sauvages, fréquemment
présentés comme les vecteurs du virus H5N1.
Plusieurs études
scientifiques nouvelles, l'analyse des circonstances de
l'apparition des foyers de grippe aviaire en Europe et en
Afrique
et des informations sur les pratiques commerciales de l'industrie
avicole mondiale jettent un regard nouveau sur le rôle
prétendu des
oiseaux sauvages dans la dispersion du virus H5N1.
Il apparaît que le discours ambiant
ne tient
pas compte d'une série d'éléments objectifs qui, s'ils ne
remettent
pas en question le fait que des oiseaux sauvages puissent être
infectés par le virus de la grippe aviaire, indiquent que ces
derniers en sont surtout les victimes et pas la cause première de
la propagation de l'épizootie.
Humains
Rappelons que la grippe aviaire n'est pas une maladie humaine
car le virus H5N1
ne se transmet que très difficilementà l'homme et qu'il n'est pas
contagieux d'homme à homme. Alors que
des centaines de millions de volailles ont été touchées
par la
grippe aviaire en Asie, seulement 173 cas humains ont été officiellement
renseignés, dont 93 mortels. Tous ces cas
de contamination humaine ont eu lieu à cause d'une importante
proximité avec des oiseaux domestiques malades. Aucun malade humain
de la grippe aviaire sur la planète n'a encore été contaminé par
un
oiseau
sauvage.
Oiseaux sauvages
Il est établi à présent que des oiseaux
sauvages peuvent être
infectés par le virus de la grippe aviaire, y survivre
au moins un
certain temps et effectuer des déplacements en étant
porteurs de ce
virus. Ce genre d'événement reste cependant
très rare : des tests
effectués pendant trois ans en Chine, au c¦ur
de régions infectées,
sur plus de 13.000 oiseaux dont de nombreux canards migrateurs,
n'ont mis en évidence le virus que chez six oiseaux.
1500 analyses
ont été planifiées en Belgique pour
cet hiver et des tests
semblables effectués en Europe occidentale depuis
l'automne 2005
sur des oiseaux sauvages n'ont pas encore révélé la
présence du virus.
Les cas récents des cygnes tuberculés trouvés
morts ou mourrant
de la Grèce à l'Allemagne confirment que des
oiseaux aquatiques
sauvages, cygnes, canards et oies peuvent contracter l'infection.
En vivant, se nourrissant et déféquant dans
l'eau, ces oiseaux sont
en contact étroit avec des déjections infectées
par le virus et
contractent ainsi plus facilement la maladie. Chez les autres
espèces d'oiseaux sauvages, plus terrestres qu'aquatiques,
de tels
contacts étroits entre oiseaux malades se produisent
beaucoup moins
fréquemment et la grippe aviaire risque donc de se
propager
beaucoup moins chez eux. On ne doit dès lors pas craindre
que les
passereaux de nos jardins, villes et campagnes deviennent
des
vecteurs de l'infection virale. Il n'y a donc pas de raison
de se
méfier des oiseaux aux mangeoires ou des hirondelles
qui
reviendront occuper leurs nids aux alentours de nos bâtiments.
La proportion des oiseaux sauvages infectés étant
extrêmement
faible, on peut raisonnablement penser que leurs effectifs
ne
seront guère affectés par la mortalité causée
par le virus.
Le cas des cygnes tuberculés malades de la grippe
aviaire cet
hiver est d'ailleurs particulier : ces oiseaux ne sont pas
réellement des migrateurs mais ont atteint nos régions
en fuyant la
vague de froid qui frappait la Russie où ils
avaient été fort
probablement en contact avec les foyers de grippe qui perdurent
de
part et d'autre de l'Oural dans des élevages de volailles
domestiques. Il ne s'agit donc pas de la prétendue
dispersion du
virus par les oiseaux migrateurs annoncée depuis l'été 2005
et qui
ne s'était d'ailleurs pas produite l'automne dernier.
Il en a
d'ailleurs été de même en Asie, où plusieurs
pays restent indemnes
de l'infection sans qu'aucune mesure soit prise contre les
oiseaux
migrateurs ou même pour restreindre les contacts entre
ceux-ci et
la volaille domestique. Tout indique que les oiseaux migrateurs
qui
ont passé l'hiver chez nous et ceux qui nous reviendront
d'Afrique
dans quelques semaines sont sains et ne présentent
pas de danger.
Oiseaux domestiques
Le virus H5N1 est aujourd'hui devenu endémique parmi
les oiseaux
domestiques dans certaines régions d'Asie : près
de 2% des canards
et oies d'élevage sont porteuses du virus dans le
sud de la Chine.
En Europe, bien que de plusieurs cas d'oiseaux sauvages infectés
aient été rapportés, seul un élevage
français a été touché par la
maladie.
Une étude génétique très détaillée
des différentes formes de
virus H5N1 qui sont présentes en Chine et en différents
points
d'Asie du sud-est, publiée en février 2006
dans la revue de
l'Académie américaine des Sciences, montre
que plusieurs formes
locales distinctes de virus occupent différents pays
et régions
géographiques. Ceci indique que le virus subsiste
pour de longues
périodes et évolue sur place au sein des élevages
infectés d'où il
n'a pas été éliminé. C'est encore
une autre forme du virus qui est
présente chez les oiseaux sauvages en Chine et celle-ci
n'est pas
présente dans la volaille domestique. Les causes de
la dispersion
répétée du virus en Asie doivent donc être
recherchées dans les
transferts d'oeufs ou de volailles malades à partir
des foyers
chinois et pas par une dissémination par les oiseaux
sauvages.
De plus en plus d'arguments plaident pour un rôle prépondérant
des transports licites ou non des volailles dans la dispersion
du
virus à l'échelle planétaire. Ces échanges
sont en effet permanents
et concernent des oiseaux vivants ou morts, des poussins
destinés à
l'élevage, des ¦ufs prêts à éclore,
des plumes mais aussi des
déjections et des litières d'élevage
qui sont utilisées pour l'alimentation animale et
la fumure des terres agricoles. Il est
ainsi de pratique courante en Asie mais aussi en Europe de
l'Est
d'utiliser des fientes de poulet pour nourrir des poissons
dans des
bassins d'élevage auxquels ont accès des oiseaux
aquatiques
sauvages ou de les répandre comme fumier dans les
prés où pâturent
cygnes et canards.
L'apparition du virus dans de nouveaux foyers en Afrique
ou en
Europe s'explique sans doute de la sorte. Au Nigeria, le
virus est
apparu d'emblée dans de grands élevages, situés à distance
des
concentrations d'oiseaux migrateurs, et qui sont régulièrement
approvisionnés de manière non contrôlée
en oeufs provenant de
Turquie et en poussins d'élevage provenant de
Chine ! Tous
ces éléments permettent de mieux comprendre
la manière dont se
propage le virus H5N1 et quels sont les dangers dont il faut
se
prémunir dans la situation actuelle. Prendre des mesures
de
confinement des oiseaux domestiques est une mesure justifiée
en
soi, car il ne faut pas perdre de vue que ce sont actuellement
les
oiseaux d'élevage qui sont le plus menacés
parle virus H5N1. Mais
la probabilité que les élevages soient contaminés
par des oiseaux
sauvages reste certainement faible. Par contre des mesures
très
strictes doivent être prises afin que le commerce d'oiseaux
d'élevage ou de leurs produits ne
constitue pas chez nous, comme en Asie, la porte d'entrée
du virus
H5N1 sur notre territoire. Certains pays d'Asie, le Japon,
la Corée
du Sud, Hong-Kong, la Malaisie et la Birmanie ont des mesures
strictes de contrôle et n'ont à ce jour
pas été infectés par H5N1,
alors qu'ils figurent parmi les pays situés en zone à risques.
Voir aussi le site très détaillé de
Birdlife :
http://www.birdlife.org/action/science/species/avian_flu/index.html
Doubts hang over source of bird flu spread
(englais)
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