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La chronique
de Lionel Maumary

Almanach des migrations

L'Aigle criard estonien «Tore» va-t-il traverser la Suisse ?

Lionel maumary, Oiseaux.ch, 11.11.2012


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«Tore» est un Aigle criard né en Estonie en 2012, frère ou soeur de « Tönn », né en 2008, équipé comme lui d'une balise signalant sa position chaque jour. Tönn retourne chaque année hiverner dans la réserve naturelle d'El Hondo sur la Costa Blanca en Espagne, où il est arrivé en octobre 2012 déjà. Ses migrations lui font effleurer la Suisse, qu'il a traversé déjà à deux reprises sans être repéré. « Tore » est actuelement dans le sud de l'Allemagne et, qui sait, pourrait traverser la Suisse s'il continue sa trajectoire vers le sud-ouest...

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L’aire de nidification de l’Aigle criard s’étend du nord-est de la Pologne et de l’ouest de la Roumanie à travers toute la zone climatique tempérée d’Eurasie jusqu’au nord-est de la Chine. Avec une cinquantaine de couples, l’Ukraine héberge les trois quarts de la population européenne, le bastion principal de l’espèce se trouvant en Russie, qui compte 800-1000 couples. La population du Paléarctique occidental hiverne en petit nombre dans quelques sites de la côte méditerranéenne, du delta du Rhône en Camargue (France), au delta du Pô (Italie) et dans les Balkans ainsi que dans la moitié occidentale de la Turquie, en Israël, Egypte, en Iraq et en Iran. La population orientale hiverne du Pakistan au sud de la Chine et Taiwan.

La plupart des données suisses proviennent de plaine, les observations sur les sites concentrant les migrateurs en montagne étant généralement incertaines ; il existe 23 données d’Aigle pomarin/criard entre 1950 et 1995. On connaît 12 observations homologuées des rives du lac de Constance. L’espèce est régulière au printemps à Hucel F. L’île boisée de la retenue de Niederried, qui a accueilli chaque année le même oiseau de l’hiver 1995/96 au 11 janvier 2004, constitue le site d’hivernage régulier le plus nordique de l’espèce en Europe.

Les sites de nidification de Pologne et d’Ukraine sont désertés entre mi-septembre et début novembre, soit un mois plus tard que le Pomarin, et réoccupés en mars-avril, soit un mois plus tôt que ce dernier. Sans tenir compte de l’oiseau hivernant à la retenue de Niederried BE, 18 des 22 données suisses (80 %) sont de novembre, une d’octobre, deux de janvier et une de mars. Les dates d’arrivée de l’hivernant à la retenue de Niederried se situent entre le 23 novembre et le 21 décembre et celles de départ entre le 13 et le 24 mars. Les migrateurs observés en Suisse sont probablement à destination de Camargue ou de la plaine du Pô, où hivernent régulièrement quelques individus. Ils ne s’attardent guère plus d’une journée, à l’exception d’une jeune femelle du 6 au 11 novembre 1972 au Mauensee LU (morte par la suite), un ind. du 25 au 27 novembre 1996 dans l’enclave de Büsingen SH/TG et un juv. du 9 au 11 novembre 2000 dans la plaine de l’Orbe ; un oiseau a fait escale à l’Etournel F les 2-3 décembre 1983.

L’Aigle criard niche dans les forêts marécageuses et alluviales du nord-est de l’Europe. Il hiverne dans les deltas des grandes rivières, à proximité de grands plans d’eau et de marais, toujours près d’un couvert boisé. Diurne et solitaire, il chasse à l’affût, pouvant rester immobile perché sur la grosse branche d’un arbre pendant des journées entières. Opportuniste, il se nourrit d’animaux lents, principalement des amphibiens et des micromammifères, mais aussi des oiseaux pris au nid ou sur l’eau, des reptiles, des poissons et des invertébrés, parfois des charognes en hiver. L’oiseau hivernant à la retenue de Niederried BE est très rarement observé hors du tronçon de 2 km qu’il exploite sur l’Aar, passant généralement la nuit sur une île boisée. Vers le milieu de la journée, il survole lentement l’île et les ravins bordant la rivière, à faible hauteur au-dessus des arbres, sans s’éloigner de l’étroite vallée de l’Aar. Par beau temps, il prend parfois un peu de hauteur et s’éloigne quelque peu jusque dans le Seeland adjacent, où la capture d’un Lièvre brun Lepus europaeus a été observée. Par grand froid, il s’est gavé jusqu’à la nuit tombée d’une charogne parmi le fumier épandu dans un champ. Aucune poursuite d’oiseau d’eau n’a été observée, seulement des tentatives de capture d’animaux aquatiques non identifiés. Le vol nuptial, constitué de plongées et ressources jusqu’à rejoindre la forêt, accompagné de doux cris sifflés rappelant ceux de la Sarcelle d’hiver, a été observé le 3 mars 2002. Un jeune séjournant du 9 au 11 novembre 2000 dans la plaine de l’Orbe s’est nourri de lombrics dans un champ labouré et une bande abri à la manière des Buses variables. Il a pu être suivi sur une dizaine de kilomètres lors de son départ, migrant plus rapidement et moins haut que les Buses variables, sans s’attarder dans les ascendances thermiques. Un immature repéré à Hucel (Haute-Savoie, France) le 3 avril 2001 à 16h35 était 15 minutes plus tard au Mont-Pèlerin VD, ayant parcouru 15 km au-dessus du Léman à une vitesse de 60 km/h.

L’Aigle criard est l’un des rapaces européens les plus rares, très intolérant à la présence de l’homme dans son territoire de nidification. Il est également sensible aux altérations de son habitat, notamment le drainage des marais qui est la cause principale de son déclin à partir des années septante. Il est considéré comme globalement menacé d’extinction.



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