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La chronique
de Lionel Maumary

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Une Chouette épervière en Haute-Savoie !

Lionel Maumary, Oiseaux.ch, 22.11.2008


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Une Chouette épervière en Haute-Savoie !

Mi-novembre, un observateur a photographié un rapace nocturne qu’il ne pouvait identifier à Habère-Poche HS, 15 km à l’est de Jussy GE. Les photos envoyée à la LPO Haute-Savoie ne laissèrent aucun doute : il s’agissait d’une Chouette épervière ! L’oiseau a chassé dans un pâturage à vaches pendant au moins deux jours, après quoi il a malheureusement été retrouvé mort. Rarissime en Europe centrale, cette chouette de la taïga n’atteint nos latitudes qu’à l’occasion d’afflux provoqués par une forte reproduction et un manque de nourriture.

La Chouette épervière a une distribution holarctique continue dans les zones boréales paléarctiques et néarctiques, à l’exception d’une population s’étendant vers le sud dans les montagnes d’Asie centrale. La sous-espèce nominale niche du sud de la Norvège au Kamtchatka, remplacée des monts Tien Shan à la Mongolie par S. u. tianschanica et de l’Alaska à Terre-Neuve (Canada) par S. u. caparoch. Les trois pays de la Fennoscandie se partagent 2'000-19'000 couples, alors que quelque 10'000-100'000 couples se trouvent en Russie européenne. Il existe une preuve de reproduction en Estonie au XXe siècle, en 1974. L’espèce est sédentaire ou nomade en fonction de l’abondance de nourriture, les jeunes surtout étant susceptibles d’entreprendre des irruptions vers le sud certains hivers, lorsque les populations de campagnols s’effondrent (environ tous les 3-4 ans). Quelques-unes de ces invasions ont atteint le Danemark et l’Europe centrale. La sous-espèce nominale a atteint entre autres les îles Britanniques, le nord de la France, la Slovénie et la Roumanie, alors que la sous-espèce néarctique a atteint trois fois la Grande-Bretagne.

En Suisse, on ne connaît que 3 données dans les Alpes orientales, dont une en automne et 2 en hiver. La dispersion postnuptiale débute dès mi-septembre, culmine en octobre/novembre et se prolonge en décembre/janvier. Les observations printanières hors de l’aire de reproduction sont extrêmement rares en Europe centrale et les données suisses s’inscrivent dans ce schéma. Les plus grands déplacements de Chouettes épervières baguées comme poussins en Suède les ont menés jusqu’en Russie à Murmansk, environ 1'300 km au nord-est), Jaroslawl (1'500 km) et Perm dans l’Oural (1'800 km).

En Europe centrale, on connaît plus de 200 données datées, dont 100 du XXe siècle, surtout de Pologne (Mazurie et Poméranie notamment) d’Allemagne (Schleswig-Holstein) et de République Tchèque; il existe en outre de nombreuses mentions non datées. Depuis 1850, l’espèce y est apparue environ 6-15 fois par décennie, avec notamment 31 oiseaux dans les années 1880; les principales années d’irruptions en Europe centrale et au Danemark furent 1880, 1881, 1886 et 1906, 1914, 1920, 1927, 1957 et 1983. Il s’agissait le plus souvent d’oiseaux isolés, au plus jusqu’à 4-5 individus ensemble. Depuis 1950, les invasions sont devenues plus rares et impliquent moins d’oiseaux: ainsi on ne connaît que deux données en Pologne ultérieures à 1950, alors que l’espèce y aparaissait presque chaque année au XIXe siècle. La raison pourrait en être la régression des effectifs et de l’aire de reproduction constatée depuis le XIXe siècle. En Scandinavie, les effectifs nicheurs fluctuent grandement d’une année à l’autre, en fonction de l’abondance des campagnols.

La Chouette épervière vit dans les forêts nordiques de conifères jusque dans la taïga et la toundra boisée, au sud jusque dans les montagnes d’Asie centrale. Elle habite généralement à proximité d’un marécage boisé et niche dans la cavité d’un arbre. Souvent perchée au faîte d’un sapin, de jour comme de nuit, elle scrute le sol afin d’y repérer ses proies. Elle capture principalement des campagnols et d’autres micromammifères, dans une moindre mesure des oiseaux, des reptiles, amphibiens, poissons et invertébrés terrestres pendant la période de reproduction ; en hiver, les oiseaux peuvent représenter jusqu’à 90 % du régime alimentaire en Scandinavie.

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Après examen du cadavre, il a finalement été établi qu'il s'agissait d'un oiseau échappé de captivité (les griffes étaient coupées).



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