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La chronique
de Lionel Maumary

Almanach des migrations

Une Fauvette mélanocéphale aux Grangettes

Lionel Maumary, Oiseaux.ch, 24.10.2016

Le 20 octobre 2016, une Fauvette mélanocéphale se manifeste timidement sur le terre-plein des Saviez aux Grangettes de Noville VD. Il a fallu attendre plusieurs heures pour qu'elles se montre furtivement. La dernière observation à cet endroit datait du 10 au 17 avril 1999. La première donnée vaudoise date du 10 avril 1998 à Epalinges, et cette espèce méditerranéenne plutôt sédentaire reste une grande rareté dans notre canton. Il ne s'agit que de la 2e donnée automnale en Suisse, après celle du 1er au 3 décembre 2015 à Birsfelden BL.


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Fauvette mélanocéphale, Les Grangettes VD, 24 octobre 2016, Franck Lehmans.

La sous-espèce nominale de la Fauvette mélanocéphale niche sur le pourtour de la Méditerranée et ses îles de la péninsule Ibérique à l'ouest de la Turquie et en Afrique du Nord, remplacée par S. m. momus au Levant et S. m. leucogastra aux îles Canaries ; la sous-espèce endémique égyptienne S. m. norrisae, qui se trouvait à El Faiyum, est apparemment éteinte. Avec près de 1'400'000 couples, l'Espagne héberge 40 % de la population européenne. Les populations du sud-ouest de l'Europe sont partiellement migratrices alors que celles du nord des Balkans et de la Turquie le sont entièrement ; les migrateurs atteignent en hiver le nord-ouest de l'Afrique, notamment les oasis du Sahara, au sud jusqu'au nord du Sénégal, ainsi que les rives du Nil en Egypte.

En Suisse, l'espèce apparaît irrégulièrement dans les vallées alpines soumises à l'influence du foehn et sur le Plateau occidental, très rarement dans sa partie orientale. Les sites ayant produit plus d'une observation sont les Follatères/Fully VS (7), les Bolle di Magadino TI (3) et Ramosch GR (2).

Hormis les 2 observations automnales et celles du 12 juillet 1990 et des 5-11 juin 2001 à Ramosch GR, toutes les données sont comprises entre 24 mars (2001 à Ostergau LU) et le 24 mai (Follatères/Fully VS) ; 9 des 18 oiseaux observés en Suisse sont arrivés en avril. Les mouvements migratoires sont notés en octobre/novembre et février/mars en France et aux Baléares, de fin septembre à début décembre et de mi-février à fin mars dans le sud de l'Italie ; les adultes sont généralement sédentaires, les mouvements impliquant surtout des jeunes.

Après la première donnée d'un mâle le 29 mars 1906 à Wädenswil ZH, aucune observation n'a été enregistrée jusqu'à l'observation d'un mâle du 31 mars au 3 avril 1979 à Castro TI. Ce n'est qu'à partir de 1986 que l'espèce est devenue presque régulière (une année sur deux), avec 15 données jusqu'en 2001, dont le nombre record de 5 cette dernière année. Dès les années septante surtout, la Fauvette mélanocéphale a commencé à s'étendre vers le nord, colonisant des régions préalpines chaudes et sèches dans le nord de l'Italie, notamment dans la province de Come et dans le Val d'Aoste, où la première nidification a été constatée en 1984 entre Sarre et Saint-Pierre, à 10 km de la frontière suisse. En France, l'espèce connaît, probablement grâce à une succession d'hivers doux, un renforcement de ses effectifs aux limites nord de son aire de répartition, et une légère expansion de cette aire en dehors du biome méditerranéen : elle a été trouvée dans le Tarn en 1993, dans le Tarn-et-Garonne en février 1996 (nidification prouvée en 1998), dans les Cévennes schisteuses gardoises ainsi qu'en Haute-Garonne et dans le Lot en 1998, pour atteindre la Saône-et-Loire, où la nidification a été prouvée en 2001, au nord du Valais !

Espèce caractéristique du maquis et des garrigues denses à chênes kermès et romarin, la Fauvette mélanocéphale est la plus éclectique des fauvettes méditerranéennes quant à son habitat, colonisant divers types de terrains rocailleux et ensoleillés, pour autant qu'ils soient recouverts de fourrés denses et assez haut (1-2 m), tels que les landes à genévrier et à buis, les haies buissonnantes, voire les jardins périurbains. Diurne et solitaire, elle se nourrit principalement d'insectes et d'araignées prélevés dans les broussailles. En escale migratoire, elle a été observée dans des mûriers, des haies de cultures ou de jardins (aussi dans des thuyas à Epalinges VD), dans des steppes buissonnantes en Valais central (Follatères/Fully), voire des roselières bordées de saules, de bouleaux et de buddleias aux Grangettes VD. Son arrivée est souvent précédée d'un épisode de foehn. L'alarme est un « trr-trr-trr-trr-trr-trr-trr » diagnostique. Le chant, émis depuis le sommet d'un buisson ou en vol nuptial, est un babil grinçant régulièrement ponctué des « trr » caractéristiques.

Les seules observations suggérant des nidifications sont celles de Ramosch GR, où se trouvait un couple le 12 juillet 1990 à Ramosch GR et un mâle du 5 au 11 juin 2001 ; aux Follatères/Fully VS, un mâle chantant en vol nuptial du 19 au 24 mai 2001 était apparemment occupé à la construction d'un un nid à l'aide de cocons, dans une steppe buissonnante dominée par le chêne pubescent et parsemée de genévriers. Au Val d'Aoste I en 1984, le nid était situé à 85 cm du sol dans un genévrier Juniperus isolé ; il était bâti avec des tiges d'herbes, des crins et des toiles d'araignées. Les 4 poussins ont quitté le nid le 20 juillet, ce qui situe la date de ponte entre le 24 et le 27 juin. L'incubation par le couple dure 12-14 jours et les jeunes quittent le nid à l'âge de 11-12 jours. La maturité sexuelle est atteinte à l'âge d'un an.

L'espèce ne paraît actuellement pas menacée. La sous-espèce endémique égyptienne S. m. norrisae, qui se trouvait à El Faiyum, a disparu suite à la salinisation et la dégradation de la végétation.



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