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La chronique
de Lionel Maumary

Almanach des migrations

Une Bargette de Térek au Hagneckdelta

Lionel Maumary, Oiseaux.ch, 07.09.2018

Le 6 septembre 2018, Albert Bassin découvre une Bargette de Térek (aujourd'hui aussi appelé Chevalier bargette) sur un îlot de galets exondés devant l'embouchure du canal de Hagneck dans le lac de Bienne BE. Il ne s'agit que de la 6e donnée suisse depuis 1900 de cette espèce mythique, qui se fait désirer par les ornithologues car elle n'apparaît qu'exceptionnellement en Europe centrale lors de ses migrations entre la Russie ou la Finlande et les côtes du sud de l'Afrique. Ce n'est peut-être pas un hasard si cette Bargette est apparue peu après d'autres migrateurs venus de Russie, comme les Phalaropes à bec étroit, le Bécasseau falcinelle et les Bergeronnettes citrines observées en Suisse au mois d'août. Ces oiseaux migrant normalement vers l'Asie du sud-est pourraient avoir été poussés vers l'ouest par le courant de bise qui a prédominé au cours de la seconde moitié du mois d'août et début septembre.


illustration

La Bargette niche de la Biélorussie à travers la Sibérie centrale jusque dans le bassin de l'Anadyr en Sibérie orientale. De petites populations isolées se trouvent dans le golfe de Botnie en Finlande, en Lettonie et en Ukraine. La population européenne est actuellement estimée à 65-110 couples. Elle hiverne sur les côtes d'Afrique subsaharienne, sur la péninsule Arabique et de l'océan Indien jusqu'en Indonésie et en Australie. En Suisse et sur les rives limitrophes, cette espèce orientale est apparue principalement à la retenue de Klingnau AG (3 fois) et au delta du Rhin A (près de 10 fois). La localisation de ces données dans la moitié orientale du pays s'explique par sa position en marge occidentale de l'aire migratoire régulière de l'espèce. La population finlandaise migre au moins en partie à travers l'Europe occidentale, comme en témoignent plusieurs reprises d'oiseaux bagués en France et en Allemagne : deux exemples remarquables d'oiseaux ayant peut-être survolé la Suisse sont ceux d'une femelle baguée adulte sur le site de nidification près d'Oulu (Finlande) le 21 juin 1966 et contrôlée en Camargue F le 12 juillet 1967, puis revue en Finlande le 3 juin 1971 et à nouveau en Camargue les 22 et 27 juillet de la même année ; un autre individu bagué en Finlande a été contrôlé en Camargue les 4 août 1969 et 16 mai 1972. Dans les pays limitrophes de la Suisse, on compte 105 données en France (jusqu'en 2003), environ 62 en Allemagne (jusqu'en 1999), 15 en Autriche (jusqu'en 2000) et environ 75 en Italie (jusqu'en 2000).

En Suisse et au lac de Constance, les 6 données en migration postnuptiale se situent entre le 6 juillet et le 29 septembre et les 6 de printemps en mai. En Europe centrale, le passage de printemps débute fin avril, culmine entre le 6 et le 25 mai et dure jusque vers le 20 juin. La migration postnuptiale s'étend de début juillet à fin septembre, avec des attardés jusqu'en octobre.

Les données des XIXe et XXe siècles tombent dans deux périodes d'expansion de l'espèce vers l'ouest en Russie et en Finlande, séparées par une phase de retrait de 1910 à 1960; en Finlande, où l'espèce a niché pour la première fois en 1884 et jusqu'en 1913 avant de disparaître provisoirement jusqu'en 1957, la population est passée de 3 couples en 1963 à presque 15 en 1975 avant d'atteindre un maximum d'environ 30 en 1980 ; en Norvège, une nidification a eu lieu en 1967; en Lettonie, quelques couples se reproduisent probablement depuis 1980 déjà. En France, 71% des 75 données du XXe siècle ont été obtenues depuis 1982.

La Bargette niche au bord des lacs et rivières de la taïga et hiverne sur les côtes maritimes tropicales. En migration à travers le continent européen, elle s'arrête occasionnellement sur les rivages ouverts des lacs et rivières possédant des vasières temporairement exondées. Diurne, elle se nourrit d'invertébrés picorés rapidement à la surface du sable ou par sondage dans la vase, parfois dans un mouvement de balayage latéral du bec dans l'eau comme une Avocette. Cette espèce grégaire forme de grands attroupements sur les sites d'hivernage mais se nourrit généralement solitairement ou par petits groupes de 2-25 individus. Les migrateurs observés en Suisse et sur les rives du lac de Constance, tous isolés à une exception près, ont parfois séjourné quelques jours, au plus 8 jours en septembre 1996 au bord de l'Aar. Le cri à l'envol est un «tchu-du-du» rapide, plus doux que chez le Chevalier gambette, parfois un «trurrrut» roulé.


DONNÉES SUISSES (4/4):
[1] 6-9 juillet 1975: retenue de Klingnau AG, 1 ind. (W. A. Schütz, M. Pfänder, E. Heim, E. Elmer, A. Simon et al.)7 ;
[2] 28-31 août 1987: retenue de Klingnau AG, 1 ind.
(H. Klopfenstein et al.) ;
[3] 16 mai 1992: retenue de Klingnau AG, 1 ind. (M. Züger) et 17 mai 1992: Pfäffikon ZH, 1 ind., photo (R. & M. Zanelli, L. Girschweiler) ;
[4] 22-29 septembre 1996: Arch BE,
1 ad., photo.
[5] 13 juin 2007: îles du Fanel BE/NE (P. Rapin, M. Antoniazza, N. Zbinden) ;
[6] 6 septembre 2018: Hagneckdelta BE (A. Bassin et al.).

Avant 1900:
mai 1839: Cortaillod NE, 1 ind. tué, conservé au Musée de zoologie de Lausanne (L. Maumary, L. Vallotton);
mai 1875: Lausanne VD, 1 ind. tué ;
1878: vallée du Rhin en aval de Coire GR, 1 ind. tué.



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