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La chronique
de Lionel Maumary

Almanach des migrations

Des Bruants à calotte blanche au Tessin

Lionel Maumary, Oiseaux.ch, 23.01.2017

Le 18 janvier 2017, Luca Pagano découvre un Bruant à calotte blanche (Emberiza leucocephalos) dans un groupe de Bruants jaunes (Emberiza citrinella) à Riazzino TI. Dès le lendemain, les nombreux observateurs venus de toute la Suisse pour admirer ce charismatique bruant sibérien réalisent qu'il y a en fait 5 individus ! Ce groupe de Bruants à calotte blanche est constitué de 3 mâles et 2 femelles, dont 1 hybride Bruant jaune x Bruant à calotte blanche. Si la présence hivernale de Bruants à calotte blanche au Tessin était soupçonnée depuis d'un découverte de petits groupes d'hivernants dans le nord de l'Italie, dans la plaine du Pô et en Toscane notamment, elle n'avait jusqu'à présent été attestée que par la capture d'un jeune mâle le 4 novembre 1998 aux Bolle di Magadino. Version sibérienne du Bruant jaune, le Bruant à calotte blanche a des moeurs semblables au premier, avec toutefois une prédilection marquée pour les pins. C'est une espèce rarissime en Europe centrale, avec seulement une poignée d'observations en Suisse, la première datant du 5 novembre 1989 à Ependes VD.


illustration

Bruant à calotte blanche mâle, Riazzino TI, 21 janvier 2017. L. Maumary.

La sous-espèce nominale du Bruant à calotte blanche niche de la région de Perm en Russie à travers la Sibérie centrale et orientale jusqu'à la côte pacifique et l'île de Sakhaline (Russie), au sud jusqu'au nord du Tian shan, remplacée par E. l. Fronto en Chine, des monts Bogdo-Ula (Sin-Kiang) au Gansu. La population dans la partie européenne de la Russie est estimée à 250-300 couples. Dans les marais de la Biebrza (Pologne), un couple mixte (mâle de Bruant à calotte blanche et femelle de Bruant jaune) a niché sans succès en mai 1994. Les quartiers d'hiver se situent principalement en Asie centrale et orientale, à l'ouest jusqu'au nord de l'Iran; un petit nombre hiverne régulièrement aux environs du Mont-Hermon, en Israël et en Toscane I, certains hivers aussi dans le Frioul I, le Piémont I ainsi qu'en Camargue F.

En Suisse, le Bruant à calotte blanche a été observé à 5 reprises, sur le Plateau, dans les Alpes (trois fois) et au Tessin. Dans les pays voisins, on connaît 31 données en France (jusqu'en 2003), 15 en Allemagne (jusqu'en 1999) et 10 en Autriche (jusqu'en 2003). En Lombardie I limitrophe, deux jeunes Bruants à calotte blanche ont été capturés le 1er novembre 1988 dans la plaine de Chiavenne et ont été gardés plusieurs années en volière.

Mise à part l'observation, exceptionnelle en Europe, d'un mâle chanteur du 12 au 18 juillet 1994 dans une forêt d'aroles Pinus cembra et de mélèzes Larix decidua à 2'100 m au-dessus de Riddes VS, les 4 autres observations helvétiques (avant celles de 2017) sont comprises entre le 4 novembre et le 10 décembre (3) ainsi que les 8/9 mars. Les sites de nidification de Sibérie centrale et occidentale sont désertés entre mi-août et mi-septembre et sont réoccupés dès fin mars. En Israël, les hivernants arrivent au plus tôt dans la première moitié de novembre et disparaissent progressivement jusque dans la 2e décade de mars. En Italie, le Bruant à calotte blanche est présent entre la seconde moitié d'octobre et la première de mars, avec des dates extrêmes en septembre et en avril. Les quartiers d'hiver toscans sont occupés de début novembre à début mars.

Après la première donnée homologuée du 5 novembre 1989 à Ependes VD, l'espèce est apparue à 4 reprises entre 1994 et 2000, période pendant laquelle de petites populations hivernantes ont été découvertes en Toscane I sur les côtes de la mer Ligure (dès 1994/95) et en Camargue F (dès 1996/97). Le nombre d'hivernants connus en Toscane fluctue d'une année à l'autre, en partie aussi en fonction de l'activité ornithologique. Le maximum a été atteint en 1995/96 avec environ 60 oiseaux.

Le Bruant à calotte blanche habite les forêts claires, les lisières et les pâturages boisés, avec une prédilection pour les saules Salix sp. et peupliers Populus sp. au bord des rivières. Ses exigences écologiques sont semblables à celles du Bruant jaune, auquel il est souvent associé dans la zone de contact entre les aires de reproduction de ces deux espèces. Diurne et grégaire hors de la saison de reproduction, il se nourrit principalement de graines prélevées au sol ou sur les herbes et les plantes herbacées basses, aussi d'insectes et d'araignées pendant la période de reproduction. Les Bruants à calotte blanche égarés en Europe se mêlent volontiers aux Bruants jaunes, dont les moeurs sont semblables, comme le 5 novembre 1989 à Ependes VD ou les 8/10 décembre 1998 à Martigny VS. Les cris et le chant du Bruant à calotte blanche sont identiques à ceux du Bruant jaune, et des hybrides ont été signalés à plusieurs reprises en Europe.


Données suisses antérieures à 2017 (5/5):
[1] 5 novembre 1989: Ependes VD, 1 ♂, photo (L. Maumary, J. Curchod, H. Duperrex) ;
[2] 12-18 juillet 1994: Riddes VS, 1 ♂ chanteur, env. 2'100 m, photo et enregistrement (F. Brehm, B. Posse, B. Volet, H. Duperrex, G. Carron) (éventuellement échappé de captivité);
[3] 4-5 novembre 1998: Bolle di Magadino TI, 1 ♂ 1 a.c. capturé, photo (J. Gremaud, C. Schönbächler, L. Cunningham, R. Lardelli) ;
[4] 8/10 décembre 1998: Martigny VS, 1 ♂ (B. Posse) ;
[5] 8-9 mars 2000: Schluein GR, 1 ♂ 2 a.c., photo (V. Oswald et al.).

L'observation de 2 ♂ le 5 juin 1982 dans la forêt de Finges VS, publiée comme
première donnée helvétique a été refusée par la Commission de l'avifaune suisse.



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